Loi sur la fraude fiscale et la délinquance économique et financière : censure partielle

20/12/2013 17:45
 

 

Le Conseil Constitutionnel s'est prononcé aujourd'hui, dans une décision n°2013-679 DC, sur la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Le Conseil a ainsi censuré une partie des dispositions de cette loi, adoptée par le Parlement le 5 novembre dernier.

Ainsi, a été supprimée l'amende de 10% à 20% du chiffre d'affaires des personnes morales ayant profité directement ou indirectement de la fraude, la possibilité de fonder une visite domiciliaire sur des documents d'origine illégale, ainsi que la garde à vue de 96 heures en matière de fraude.

En revanche, ont été maintenus les exemptions et diminution de peines prévues à l'article 5, le renforcement des peines en cas de fraude complexe et les amendes en cas de défaut de réponse ou de réponse partielle.

Dispositions censurées:

Ainsi, ont été censurés les articles 3, 38, 40, 57, et 66 de la loi.

L'article 3 prévoyait, lorsque la fraude avait profité directement ou indirectement à une personne morale, de fixer le montant de l'amende due par la société à 10% ou 20% de son chiffre d'affaires. Le Conseil a censuré cette disposition en estimant qu'elle ne respectait pas le principe de proportionnalité des peines.

Les articles 38 et 40 de la loi prévoyaient l'impossibilité de remettre en cause une visite domiciliaire menée par l'administration sur le fondement de documents d'origine illégale. Le seul motif de l'illégalité ne pouvait ainsi servir à écarter des documents ayant fondé la visite dès lors que leur utilisation par le service était proportionnée à l'objectif de recherche et de répression de la fraude fiscale.

Le Conseil Constitutionnel a censuré ces articles au motif qu'il portait une atteinte inconstitutionnelle à la vie privée des contribuables.

L'article 57 prévoyait d'ajouter à la liste des Etats et territoires non coopératifs (ETNC), les Etats n'ayant pas conclu avec la France des conventions d'assistance administrative avec une clause d'échange automatique d'informations, c'est-à-dire une clause obligeant les Etats à fournir de manière régulière à d'autres Etats des informations fiscales, bancaires et financières sur leurs résidents.

Le Conseil a décidé de censurer cette mesure au regard du nombre trop peu élevé d'Etats ayant conclu de telles conventions avec la France. Cette mesure aurait, en effet, pu provoquer une rupture d'égalité devant les charges publiques étant donné que la qualification d'ETNC entraîne automatiquement l'application d'un régime fiscal particulier, avec des taux d'imposition très élevés.

L'article 66 permettait d'étendre les pouvoirs de l'administration en matière de délinquance organisée aux délits de fraude fiscale et douanière aggravés. Si le Conseil Constitutionnel a admis la validité d'un tel dispositif, il a en revanche considéré comme inconstitutionnel la mise en place d'une garde à vue de 96 heures  en ce domaine, les infractions concernées ne comportant pas d'atteinte à la personne.

Dispositions validées:

Le Conseil Constitutionnel a également déclaré comme valides certains dispositifs estimés inconstitutionnels par les auteurs de la saisine.

L'article 5 qui prévoit la possibilité d'exempter de peine la personne ayant tenté de commettre une infraction mais ayant finalement averti les autorités de manière à empêcher la réalisation de l'infraction a été considérée comme constitutionnel Est également considérée comme constitutionnelle la possibilité de réduire de moitié la peine d'emprisonnement lorsque la personne qui a commis l'infraction a averti les autorités et a permis de faire cesser l'infraction ou d'identifier les autres auteurs et complices.

Ces exemptions et réductions concernent notamment les peines prévues pour les blanchiments, simples ou aggravés, la corruption passive et le trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, la corruption active et le trafic d'influence commis par les particuliers et des entraves à l'exercice de la justice.

L'article 9 a également été déclaré constitutionnel. Cet article prévoit le renforcement des peines prévues pour les fraudes fiscales complexes, c'est-à-dire celles commises en bande organisée ou avec l'utilisation de comptes ouverts ou de contrats souscrits avec des personnes établies à l'étranger, de l'interposition de personnes morales ou physiques, de l'usage d'une fausse identité ou d'un faux document, d'une domiciliation fictive ou artificielle à l'étranger ou d'un acte fictif ou artificiel. La peine est alors portée à 2 000 000 euros d'amendes et à sept ans d'emprisonnement.

Les amendes de 1500 ou de 10% des droits rappelés en cas de défaut de réponse ou de réponses partielles aux demandes de l'administration ont également été déclarées constitutionnelles.

Enfin, le Conseil a émis une réserve d'interprétation sur les articles 37 et 39 permettant aux administrations fiscale et douanière d'exploiter des informations obtenues de manière illégale. Pour le Conseil, exploiter ces informations devient impossible dès lors que leurs conditions d'obtention ont été déclarées illégales par le juge.

La loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ayant été déclarée partiellement conforme elle pourra être publiée au Journal officiel et devra donc prochainement entrer en vigueur.

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