Géolocalisation et vidéosurveillance: des limites à la surveillance des salariés

25/02/2013 11:51

En 2012, plus de 10% des plaintes reçues par la CNIL concernaient le monde du travail. 17% d'entre elles ont donné lieu à des mises en demeure. Les principaux manquements concernaient l'absence ou la mauvaise information des employés, l'absence de déclaration, la collecte excessive ou non pertinente de données personnelles" (1).

Depuis plusieurs années, les outils tels que la vidéosurveillance ou la géolocalisation sont amplement mis en place dans les entreprises. Ces outils posent le problème du risque d’atteinte aux droits des salariés ou à leur vie privée de par l’enregistrement de nombreuses données personnelles.

Les salariés, citoyens, français, européens, disposent d’une forte protection de leurs droits et libertés.

  • "Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" (2).
  • "Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé." (3).

Une sanction pénale est d’ailleurs prévue en cas d’atteinte à l’intimité et à la vie privée d’autrui (4) :

- En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

- En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.

1 La géolocalisation des véhicules

  • Réglementation

Conditions

Les dispositifs de géolocalisation, en plein essor dans le monde du travail, peuvent être utiles à l’employeur mais leur utilisation reste très encadrée notamment afin de respecter de la vie privée des salariés.

 

Les salariés peuvent refuser l’installation d’un tel dispositif dans leurs véhicules professionnels dès qu'il ne respecte pas les conditions légales.

 

En tout état de cause, le salarié doit être informé de la présence de ce dispositif (5) (6) (7) et avoir accès aux données enregistrées qui le concernent. Le non-respect de la réglementation est puni pénalement (8).

Conservation

En principe, les données obtenues par la géolocalisation ne peuvent être conservées que deux mois.

Cependant elles peuvent être stockées jusqu’à un an à des fins de preuve pour optimiser le travail et cinq ans pour le suivi du temps de travail

Informations

Les instances représentatives du personnel doivent être informées et consultées avant l’installation de ce dispositif.

L’installation du dispositif doit aussi être déclarée à la CNIL, sauf si l’entreprise a désigné un correspondant informatiques et libertés (11).

Recours

Dans l’hypothèse où la mise en place d’un tel dispositif ne respecterait pas la réglementation, plusieurs recours sont possibles, auprès de :

- La CNIL (service des plaintes) ;

- L’inspection du travail

- Le Procureur de la République.

  • Exemples

 

Suivre les déplacements …

Autorisé

Non autorisé

Représentants du personnel dans le cadre de leur mandat

 

X

Commercial transportant des échantillons de grande valeur

X

 

Salarié afin de calculer son temps de travail

X*

X

Salarié afin de le contrôler en permanence

 

X

Salariés afin d’identifier celui le plus proche d’une panne d’ascenseur

X

 

VRP afin de surveiller ses déplacements

 

X

Commercial afin de vérifier qu'il effectue ses heures de travail

 

X

Salarié afin de facturer une prestation de transport

X

 

Salarié afin d’assurer la sécurité du salarié et du véhicule dont il a la charge

X

 

Salarié afin de mieux allouer des moyens pour des prestations à accomplir en lieux dispersés

X

 

Salarié afin de contrôler le respect des limitations de vitesse

 

X

*On peut très bien utiliser un dispositif de géolocalisation avec comme finalité accessoire le suivi du temps de travail d'un salarié,lorsque ce suivi ne peut etre realise par d'autres moyens, tout comme on peut contrôler le temps de travail d'un poids-lourd ou un transport en commun par un système de contrôle par disque tachymètre 

Les principales données recueillies par les systèmes de géolocalisation de véhicules de fonction ont trait au positionnement du véhicule, mais peuvent aussi renseigner sur :

  • L'heure de départ
  • l'heure d'arrivée
  • L'itinéraire utilié
  • Les temps d'arrêts

Pour peu que ces données soient associées à un utilisateur précis, on rentre dans le cas de données à caractère personnel.
Par conséquent, un employeur souhaitant mettre en place un tel système se doit d’effectuer une déclaration à la CNIL, afin que celle-ci vérifie que les principes relatifs à la protection des données personnelles soient bien respectés. Ce type de services doit notamment être apprécié à la lumière de l’article L120-2 du Code du travail qui expose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature des tâches à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Attention : bien qu’une entreprise de géolocalisation fournisse le système de GSM/GPS et en assure la maintenance, c’est la société utilisatrice de ces services qui engage sa responsabilité et est responsable du traitement des données.

2- La vidéosurveillance-vidéoprotection au travail

  • Réglementation (Voir Loi caméra)

Conditions

Un système de vidéosurveillance peut être installé dans l’entreprise afin d’assurer la sécurité de biens et de personnes, à titre dissuasif ou encore pour identifier les auteurs de vols, dégradations ou d’agressions.

Les personnes qui peuvent visionner les images enregistrées sont les personnes habilitées dans le cadre de leur fonction. Elles doivent être formées et sensibilisées aux règles concernant la mise en place d’un système de vidéo surveillance.

Conservation

Les images enregistrées ne doivent pas être conservées plus d'un mois, sauf dans le cadre d"une enquête de Police ou de Gendarmerie (Art 53 ou 75 du CPP) en cas d'éffraction ou de vol.

Information

Plusieurs instances participent à la mise en place d’un tel dispositif :

- Déclaration auprès de la CNIL - si les caméras filment un lieu non ouvert au public et sauf si l’entreprise a désigné un correspondant informatiques et libertés – pour chaque établissements ou sites ; à défaut de déclaration à la CNIL, le système ne peut être opposé au salarié

- Autorisation auprès de la préfecture – si les caméras filment un lieu ouvert au public – l’autorisation du préfet du département est requise ;

- Informations et consultations des instances représentatives du personnel.

Un panneau doit être affiché dans chaque lieu où le salarié est susceptible d’être filmé. Le panneau averti de l’existence du dispositif, du nom du responsable ainsi que de la procédure à suivre pour demander l’accès aux enregistrements visuels (12) (13).

Recours

En cas de manquement à la réglementation en matière d’installation d’un système de vidéosurveillance, plusieurs recours peuvent être envisagés auprès de :

- La CNIL (service des plaintes) ;

- L’inspection du travail ;

- La préfecture (si les caméras filment des lieux ouverts au public) ;

- Le procureur de la République.

  • Exemples

Lieux/ endroits filmés par la caméra dans l’entreprise …

Autorisé

Non autorisé

Issue de secours

X

 

Un salarié sur son poste de travail

 

X

Une voie de circulation

X

 

La machine à café

 

X

Les toilettes

 

X

Un couloir

X

 

Les locaux syndicaux

 

X

La salle de pause

 

X

La caisse d’une vendeuse (14)

 

X

L’espace « fumeurs »

 

X

Le local du comité d’entreprise

 

X

L’intérieur des entrepôts

X

 

Sources :

(1) Article CNIL 28 janvier 2013

(2) Article L 1121-1 du Code du travail

(3) Article 9 du Code civil

(4) Article 226-1 du Code pénal

(5) Article 11222-2 du Code du Travail

(6) Article L1222-4 du Code du travail

(7) Article R625-10 du Code pénal

(8) Article 226-16 du Code pénal

(9) Article 226-20 du Code pénal

(10) Article 2323-32 du Code du travail

(11) Article 226-16 du Code pénal

(12) Article 1222-4

(13)Article L 1222-4du Code du travail

(14) Article R625-20 du Code pénal

(14) Cass. Soc. 20 novembre 1991, n°88-43120

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